Confronté à la possibilité d’un durcissement législatif en France, Shein contre-attaque. Le géant de la mode à bas prix a lancé une vaste campagne de communication intitulée « Pour une mode accessible », déployée dans plusieurs grands médias français ainsi que sur des panneaux d'affichage.
Une campagne visible pour une cible précise : le Parlement français
Affichée dans Les Échos, Le Figaro et via une campagne physique, la campagne « Pour une mode accessible » intervient dans un contexte tendu pour le secteur de la fast fashion. Depuis janvier, une proposition de loi visant à réduire l'impact environnemental de l’industrie textile est en discussion à l’Assemblée nationale puis au Sénat. Celle-ci prévoit notamment l’instauration d’une taxe progressive sur les vêtements bon marché, pouvant atteindre 10 euros par article vendu d'ici 2030.
À travers cette communication, Shein entend peser sur le débat public et parlementaire. L’entreprise met en avant le risque d’une hausse significative des prix pour les consommateurs les plus modestes. Citant une étude IFOP, Shein rappelle que 60 % des Français renoncent déjà à l'achat de vêtements pour des raisons budgétaires. Le message est clair : pénaliser les enseignes low-cost reviendrait à priver une partie de la population d’un accès abordable à l’habillement.
Défendre l’accessibilité économique
Le premier axe de la campagne repose ainsi sur la dimension sociale de la consommation textile. Selon Shein, ses produits contribuent à démocratiser la mode et à offrir des alternatives aux foyers à faible pouvoir d’achat, notamment dans un contexte marqué par une forte inflation sur les biens de première nécessité.
L’entreprise cherche également à inscrire ce discours dans une perspective plus large, évoquant le « droit à la mode » comme un aspect de la consommation courante comparable à l’alimentation ou à l’énergie. En filigrane, la campagne interroge la légitimité d'une mesure qui affecterait prioritairement les ménages les plus précaires.
Mettre en avant un modèle industriel « responsable »
Shein ne se limite pas à la question du pouvoir d'achat dans sa communication. L’entreprise tente aussi de repositionner son modèle industriel comme étant plus respectueux de l’environnement que ne le laissent penser ses critiques.
Le groupe rappelle qu’il a adopté un modèle de production à la demande : plutôt que de produire massivement des stocks, Shein met en vente de petites séries de 100 à 200 unités pour tester la demande, avant d’augmenter ou non la production. Une approche qui, selon l’entreprise, permet de limiter les invendus, un problème majeur dans l'industrie textile traditionnelle.
Par ailleurs, Shein affirme avoir réduit de 70 % sa consommation d'eau pour la production de ses textiles grâce à des technologies d’impression innovantes, et prévoit que 31 % de ses produits intégreront du polyester recyclé d'ici 2030. Le groupe rappelle également l’existence de « SHEIN Exchange », sa plateforme de revente entre particuliers, censée favoriser l’économie circulaire.
Autant d'initiatives mises en avant pour contrer l’image négative associée à la fast fashion, accusée de surproduction, de pollution, et de recours à des pratiques sociales contestées.
Une tentative de dépolitisation du débat
En mettant en avant ses engagements environnementaux et sociaux, Shein cherche aussi à déplacer les termes du débat. Selon l’entreprise, l'enjeu du développement durable ne saurait se limiter à une taxation ciblée de quelques enseignes, mais devrait porter sur l'ensemble du secteur textile, en incluant toutes les formes de production de masse.
Cette ligne de défense repose sur un constat largement partagé dans les milieux économiques : même les marques haut de gamme participent à la surconsommation textile, avec des impacts environnementaux significatifs. Pour Shein, le modèle de production, et non le seul prix final du produit, devrait être au cœur de la réflexion politique.
En ce sens, l’entreprise affirme soutenir une approche « globale » de la transition écologique du secteur, mais critique une mesure qui, à ses yeux, s'apparente davantage à une taxe ciblée à visée punitive qu'à un plan de transformation structurelle.
Un poids économique croissant
Parallèlement, Shein souligne son rôle économique en France. En 2023, l’entreprise indique avoir contribué à hauteur de 640 millions d'euros au PIB national et soutenu environ 2 900 emplois directs ou indirects. À travers son programme SHEIN X, qui aurait accompagné plus de 5 300 créateurs de mode dans le monde — dont plus de 100 en France —, la plateforme met aussi en avant son soutien à la jeune création.
Une manière supplémentaire de s'inscrire dans le paysage économique français au moment où son modèle est contesté.