"Pas si difficile de mimer une fellation…" : Claude Zidi, sa fille Hélène au cœur d'une sordide enquête

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Sous les projecteurs, le prestige. En coulisses, les abus. Une enquête de Libération vient de révèler les pratiques contestables au sein du Laboratoire de l’acteur, école de théâtre fondée en 2001 par Hélène Zidi, 65 ans et fille du réalisateur Claude Zidi.Si l’établissement a formé des figures montantes du cinéma français comme Tahar Rahim, Raphaël Quenard ou Alexis Manenti, plusieurs anciennes élèves dénoncent aujourd’hui un système violent, sexiste et psychologiquement destructeur.

Un témoignage accablant : le récit d’Ambre

L’enquête s’appuie sur les témoignages d’une vingtaine d’ex-élèves, en majorité des femmes, qui pointent du doigt une pédagogie autoritaire, des humiliations récurrentes, et un traitement différencié selon le genre. Ambre, ancienne élève, livre un témoignage glaçant.

En novembre 2020, elle se retrouve seule sur scène, lors d’un exercice imposé devant ses camarades. Hélène Zidi la rabroue sèchement : "T’es complètement crispée, coincée. Tu veux rester figurante toute ta vie ?". Puis, elle lui ordonne d’improviser une scène : incarner une mère dépravée, dans une séquence à connotation sexuelle explicite. Ambre, sidérée, tente de résister. En vain. La directrice conclut froidement : "Rien à faire, elle a des blocages. C’est pourtant pas si difficile de mimer."

Pour Ambre, cette scène a ravivé des traumatismes personnels. Elle parle d’un moment de sidération, d’une violence difficile à décrire. Un choc qu’elle partage aujourd’hui pour briser le silence.

Favoritisme masculin et violences symboliques

Loin d’être un cas isolé, le récit d’Ambre s’inscrit dans un schéma plus large décrit par plusieurs anciennes élèves. Lise, issue de la promotion 2016, dépeint une école où les "chouchous" de la directrice sont des "mecs virils, style Apollon, qui prennent vite le melon et se sentent supérieurs à nous". Un favoritisme assumé, qui place les hommes au sommet de la hiérarchie informelle de l’école, tandis que les femmes doivent redoubler d’efforts, parfois au prix de leur intégrité.

Olga, elle, raconte un acharnement sur son apparence physique. Elle évoque des remarques répétées sur son poids, des compliments conditionnels : "Hélène Zidi m’a félicitée d’avoir maigri entre deux stages, puis elle m’a dit : 'Il faut que tu te ressaisisses, tu ne veux quand même pas jouer des rôles de grosses, déjà que tu as un certain profil’." Aujourd’hui, Olga souffre de troubles du comportement alimentaire et de dysmorphophobie, conséquences directes de cette pression physique.

Une école au prestige intact… pour l’instant

Ce qui choque, c’est le contraste entre ces témoignages et l’image publique du Laboratoire de l’acteur. Nichée dans le paysage parisien du théâtre et du cinéma, l’école jouit d’une réputation solide. Elle se targue d’une formation exigeante, souvent vantée pour sa "vérité scénique", et a vu défiler de nombreux talents devenus célèbres.

Mais derrière cette vitrine, les accusations s’accumulent : sexisme banalisé, remarques sur les corps, mise en compétition toxique, et exercices aux limites floues du consentement. Une ancienne comédienne confie : "On acceptait beaucoup de choses, parce qu’on rêvait tous de percer. On pensait que c’était normal, que ça faisait partie du métier. Mais aujourd’hui, je comprends que non."Cette enquête s’inscrit dans un mouvement plus large de libération de la parole dans les milieux artistiques, longtemps marqués par des rapports de pouvoir déséquilibrés. Le théâtre, en particulier, interroge de plus en plus ses méthodes pédagogiques, ses abus couverts par la sacro-sainte "quête de l’émotion vraie", et ses figures d’autorité trop souvent intouchables.

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