Fast fashion, petits prix et maxi galère ? Entre la nouvelle taxe textile et la fin de l'exonération sur les petits colis venus de Chine, les fans de Shein, Temu ou AliExpress risquent bien de devoir revoir leur garde-robe... ou leur budget. La France et l’Union européenne ont décidé de taper du poing sur la table, mais ce sont surtout les portefeuilles des consommateurs les plus modestes qui trinquent. Voici ce que ça va vraiment changer dans votre panier.
1. Le grand ménage anti-fast fashion est lancé
Shein, Temu, AliExpress... Ces noms sont devenus familiers dans les foyers français, en particulier depuis la pandémie. Entre un tee-shirt à 2,99 € et un lot de chaussettes à 1 €, difficile de résister. Mais derrière ces prix cassés se cachent souvent des pratiques critiquées : pollution massive, production ultra-rapide, conditions de travail opaques… Et ça, les autorités européennes ont décidé de ne plus l’accepter.
La France ouvre la voie avec deux mesures-chocs :
- La taxe fast fashion, qui pourrait atteindre jusqu’à 10 € par article dans les années à venir pour les vêtements jugés non durables et bon marché, principalement issus d’enseignes comme Shein.
- Et la fin de l’exonération fiscale sur les petits colis, jusqu’ici appliquée aux achats de moins de 150 € venant de pays hors Union européenne. À partir de juillet 2025, tous les colis seront taxés dès le premier euro.
Objectif affiché ? Lutter contre la surconsommation, rééquilibrer la concurrence avec les marques européennes, et réduire l’empreinte carbone. Mais dans les faits, ces mesures risquent surtout de changer la donne pour des millions d’acheteurs... pas forcément les plus aisés.
2. Le shopping à petit prix, une bouée pour les petits budgets
Ce n’est pas un scoop : les plateformes chinoises cartonnent auprès des foyers les plus modestes. Mères de famille, étudiantes, retraités aux petites pensions… Pour beaucoup, Shein ou Temu ne sont pas des plaisirs coupables mais une nécessité économique.
“Je n’ai pas les moyens d’acheter un jean à 40 € en boutique, alors je le prends à 9 € sur Shein”, explique Sandra, 43 ans, mère de trois enfants à Marseille. Même son de cloche pour Inès, 19 ans, étudiante à Lille : “Je regarde le prix au centime près. Entre un haut à 3,50 € et un à 4,20 €, je prends le moins cher. Même si c’est juste 70 centimes, ça compte.”
Et ce que beaucoup redoutent, c’est que les nouvelles taxes, même minimes à première vue, fassent pencher la balance du mauvais côté. Car quand on vit avec 50 € de budget fringues par mois, chaque euro compte. Pour ces consommateurs-là, acheter “en magasin” n’est plus une option depuis longtemps. Et même des enseignes comme Kiabi ou Gémo leur paraissent désormais trop chères.
3. Deux taxes, des euros en plus dans le panier
Alors, concrètement, ça va changer quoi sur la facture ? Voici quelques exemples concrets pour m Alors, concrètement, ça va changer quoi sur la facture ? Voici ce que donnent quelques exemples corrigés, en tenant compte du plafonnement de la taxe fast fashion à 50 % du prix hors taxe de chaque article.
Prenons le cas d’une commande Shein de trois articles à 5 euros pièce. Avant, le total s’élevait simplement à 15 euros, sans TVA ni frais de douane, grâce aux exonérations sur les petits colis. Après l’entrée en vigueur des nouvelles règles, les choses changent radicalement. Il faudra ajouter 20 % de TVA, soit 3 euros, des frais de douane estimés à 5 %, soit 0,75 euro, et environ 1 euro de frais de gestion, souvent appliqués par les transporteurs. S’ajoute la taxe fast fashion, plafonnée à 50 % du prix unitaire, soit 2,50 euros par article. Résultat : 7,50 euros de malus textile au total. La facture finale grimpe donc à 27,25 euros, soit quasiment le double.
Autre exemple : une paire de baskets à 12 euros achetée sur Temu. Avant, pas de TVA, pas de frais supplémentaires. Après, on ajoute 2,40 euros de TVA, 0,60 euro de frais de douane, 1 euro de gestion, et 6 euros de taxe fast fashion (50 % du prix). La paire passe ainsi à 22 euros, soit presque dix euros de plus. Et pour des produits qui, à l’origine, séduisaient justement par leur ultra-accessibilité, cette hausse représente un vrai coup dur.
Même avec ce plafond à 50 %, ces exemples montrent que les prix peuvent augmenter de manière significative, en particulier sur des produits à très bas coût. Et c’est justement là que le bât blesse : ce sont ces produits, souvent achetés par les plus modestes, qui deviennent brusquement moins attractifs, voire inaccessibles.esurer l’impact des nouvelles règles.
Alors bien sûr, tout cela n’est pas encore totalement en place. La taxe fast fashion est progressive : elle démarre à 5 € par article en 2025 et pourrait grimper jusqu’à 10 € d’ici 2030. Mais pour les consommateurs, même une taxe de 3 ou 4 € sur une pièce à 4,50 €, c’est déjà énorme.
4. Frustration, agacement, sentiment d’injustice
Sur les réseaux sociaux, les commentaires sont déjà nombreux. Et souvent amers. Si certains comprennent la logique environnementale derrière la réforme, la majorité crie à l’injustice sociale.
“Pourquoi toujours taper sur les pauvres ?”, s’indigne une internaute sous un post Facebook de Shein France. “On n’a pas tous les moyens d’acheter du made in France à 70 € la robe. Ce qu’on veut, c’est juste s’habiller proprement.”
Même agacement du côté des fans de Temu : “Ils veulent quoi, qu’on se balade en slip parce que c’est écolo ?”, lance ironiquement Nicolas, 28 ans, intérimaire en région parisienne.
La colère monte d’autant plus que les marques de luxe ou les grandes enseignes occidentales ne sont pas concernées. Un pull Zara ou H&M, produit dans des conditions similaires, ne sera pas taxé s’il est considéré comme “vendu dans une chaîne établie en Europe”.
Un “deux poids deux mesures” qui passe mal.
La mode à petit prix, bientôt un souvenir ?
La volonté des pouvoirs publics est claire : ralentir la machine de la surconsommation textile, souvent peu éthique et destructrice pour la planète. Mais dans leur croisade contre la fast fashion, les politiques semblent avoir oublié un détail... de taille : ce sont les plus précaires qui vont payer l’addition.
La mode responsable, oui. Mais encore faut-il qu’elle soit accessible. Et aujourd’hui, l’offre reste trop chère, trop limitée, et trop éloignée des réalités de millions de Français.
À l’heure où l’on parle de pouvoir d’achat à chaque coin de rue, les 3 € de plus sur un tee-shirt importé font toute la différence. La fin des petits colis non taxés et la taxe fast fashion ne changeront sans doute rien pour les fashionistas du XVIe... Mais pour d’autres, elles marquent la fin d’un accès déjà fragile à des vêtements neufs.
En attendant, sur TikTok ou Facebook, les vidéos “Haul Shein à petit prix” laissent place à de nouveaux tutos : “Comment éviter les taxes ?”. Pas sûr que ce soit l’effet recherché...